Quand on évoque les blessures au tennis, à quoi pensez-vous ? Et bien sûr, vous avez raison ! Les blessures les plus courantes ont même reçu des surnoms sympathiques tels que le « tennis elbow » et le « tennis leg ». Dans cet article, nous nous concentrons principalement sur le second.
Les blessures au mollet sont fréquentes chez les joueurs et joueuses de tennis, affectant souvent leur performance sur le court. Dans cet article, nous explorerons quelques éléments de la rééducation pour optimiser la récupération des sportifs victimes de telles blessures. Notre objectif est de fournir un petit focus, accessible à tous, pour comprendre les défis spécifiques rencontrés par les joueurs de tennis et les meilleures pratiques pour une rééducation efficace.
Les muscles du mollet et les blessures :
Le mollet est principalement composé du muscle gastrocnémien et du muscle soléaire, qui jouent un rôle crucial dans la flexion plantaire du pied et la flexion du genou. Bien que le soléaire soit le muscle le plus souvent touché par les blessures au mollet (70%), les joueurs de tennis ont tendance à se blesser davantage au gastrocnémien (30%), en particulier à sa partie médiale.
Exemple concret : Pendant un match de tennis, une poussée explosive horizontale pour aller chercher une balle peut solliciter davantage le gastrocnémien, entraînant une tension excessive et des blessures.
Problèmes actuelles dans la prise en charge des blessures :
- Le haut risque de récurrence : Le facteur de risque prédominant associé aux blessures au mollet est d’avoir déjà été victime de ce type de blessure. Lorsque le patient est un athlète professionnel, de nombreux facteurs extérieurs peuvent décidé d’une récupération plus rapide pour les enjeux de la compétition, du collectif, et des enjeux politiques et économiques.
- Les exercices de rééducation ne sont pas suffisamment adaptés à la pratique spécifique de l’athlète.
- Les exercices sont généralement réalisés avec une charge insuffisante. Il est crucial de prendre en compte ces aspects pour assurer une rééducation optimale, tout comme l’individualité du patient, soulignant ainsi l’importance d’une anamnèse la plus précise possible.
L’anamnèse : Voici une petite proposition, mais nous détaillerons les étapes d’une anamnèse complète dans une autre publication :
Joévin : « Nous commettons souvent l’erreur de nous concentrer uniquement sur la blessure, ce qui peut donner au patient l’impression que nous nous intéressons uniquement à sa condition physique et non à lui en tant qu’individu (« j’existe pour mon kiné seulement à travers ma condition pathologique »). Pour éviter cette situation, je propose au patient de partager son motif de consultation dans un premier temps. Puis, une fois que le patient a pu exprimer la raison de sa visite, je lui dit : « Merci beaucoup de m’avoir partagé toutes ces informations. J’aimerais en savoir un peu plus sur vous si cela vous convient. Et..si vous le souhaitez, nous pourrions mettre de côté votre blessure pour le moment et explorer un peu votre histoire. Ensuite, nous reviendrons à la blessure qui vous préoccupe actuellement. »
1. Évaluation biologique : « Racontez moi votre parcours de soins »
- Antécédents médicaux : Historique des blessures antérieures, opérations chirurgicales, allergies, conditions médicales préexistantes, santé métabolique.
- État de santé actuel : Auto-évaluation du patient sur son état de forme.
- Activité physique antérieure : Niveau d’activité physique avant la blessure, programme d’entraînement habituel, performances passées.
- Facteurs de risque : Hydratation, nutrition, consommation de substances telles que l’alcool ou le tabac.
2. Évaluation psychologique :
- Réponse à la blessure : Niveau de stress, d’anxiété, de dépression ou de frustration lié à la blessure (possiblement explorer avec des questionnaires spécifiques), évaluation des perceptions, des émotions et des réponses comportementales à la blessure: « Qu’est-ce que j’ai ? Comment l’ai-je obtenu ? Combien de temps cela prendra-t-il ? Quelles sont les conséquences ? Comment puis-je le contrôler ? Est-ce que je comprends ma maladie ? Qu’est-ce que je ressens à ce sujet ? »
- Motivation et engagement : Désir de retourner à la compétition, peur de rechute, confiance en soi.
- Adaptation psychologique : Capacité à s’adapter aux contraintes de la blessure, sentiment d’estime de soi, résilience, auto-évaluation de sa capacité à faire face tout seul à la blessure.
3. Évaluation sociologique :
- Environnement et gradient social: Soutien familial et amical, impact des relations sociales sur la récupération, éducation, travail, responsabilité (staff, dirigeant, co-equipiers, managers).
- Facteurs externes : Contraintes financières, disponibilité des ressources médicales et thérapeutiques, accès aux installations sportives.
- Influence du sport dans la vie quotidienne : Relations professionnelles, emploi du temps, équilibre entre la vie sportive et personnelle, rapport au corps: « Comment votre expérience avec les blessures au tennis a-t-elle influencé votre perception et votre relation avec votre corps pendant la pratique de ce sport et en dehors du terrain ? »
4. Evaluation du sommeil : qualité, quantité
5. Définition des objectifs : objectifs en rééducation, objectif personnel, critères SMART et exploration des croyances
6. Partie spécifique à la blessure :
- Description, localisation, symptômes, intensité des symptômes, comportement de la douleur, qualité de la douleur,….
- Diagnostic différentiel
- Examen clinique
Phases de rééducation :
La rééducation comprend plusieurs phases, allant de l’évaluation initiale à la reprise complète de l’activité sportive. Chaque phase nécessite une planification individualisée en fonction des besoins spécifiques du patient.
Phase 1 : Évaluation approfondie
- Comprendre la nature et la gravité de la blessure (nous verrons dans un prochain blog le pronostic en fonction de la localisation).
- Concevoir un plan de rééducation personnalisé.
- Examiner les mécanismes de blessure spécifiques au tennis.
Phase 2 : Choix des marqueurs de progression
- Utiliser la douleur, l’endurance, la force, le contrôle moteur et la puissance comme indicateurs de progression (kiné) et prenez des marqueurs SMART défini par le patient pour son suivi.
- Guider le processus de rééducation en fonction de ces marqueurs.
Exemple concret : Utilisation de l’échelle numérique de la douleur pour évaluer la tolérance à la charge lors d’exercices spécifiques, tels que les flexions plantaires. Nous pouvons aussi utiliser le nombre maximum de flexion plantaire en charge réalisé par votre patient (endurance).
Phase 3 : Plan de rééducation détaillé
- Travail en isométrie pour faciliter la régénération des cellules musculaires (Joévin: « Le plus tôt possible, parfois dès le jour même, c’est mon créneau ! »
- Travail en isotonique avec des charges légères en unipodal pour éviter les compensations.
- Intégrer des exercices spécifiques au gastrocnémien médial et latéral pour les joueurs de tennis.
Exemple concret : Exercices de renforcement excentrique du gastrocnémien médial pour améliorer sa résistance aux poussées horizontales caractéristiques du jeu de tennis.
Joévin: « Nous aborderons le travail spécifique et le problème de la sous-charge dans un prochain blog, mais gardez à l’esprit que si votre patient ne soulève pas des barres de plus de 120 kg, cela représente une opportunité à exploiter dans votre programme de rééducation ! »
Les compensations les plus retrouvées par nos patients lors des exercices :
Observer les déviations latérales de la cheville lors des exercices de flexion plantaires et observer le contrôle des phases excentriques souvent incomplètes. Une attention particulière doit être portée au retour à la course pour éviter les rechutes, ne recommencer pas trop fort, ni trop tôt !
Critères de retour à la course, Votre patient est capable, au minimum de
- Réaliser plus de 25 répétitions de flexion-extension de la cheville en charge unipodale.
- Réaliser plus de 20 sauts verticaux, sur 1 jambe, sans douleurs.
- Être capable de réaliser une dorsiflexion sans douleurs.
Joévin: « Pour moi, c’est le strict minimum de validation avant de reprendre la course à pied. Trop souvent, une fois ces critères remplis, nous pensons être libres de reprendre nos entraînements. Cependant, il est important de noter qu’une simple minute de course représente environ 90 sauts sur une jambe, avec un travail pliométrique intense. Nos 20 sauts sans douleur pour valider le retour sont vite atteints ! Quantifier précisément les débuts d’un programme de reprise de la course permet de poser des bases solides. Prenez le temps de bien supporter les premières phases avant de progresser ».
Conseils post-rééducation :
- Privilégier la fréquence plutôt que la durée de la course (plutôt 4 sorties courte par semaine, que 1 ou 2 grosses séances).
- Progresser en volume (durée) avant d’augmenter l’intensité de l’entraînement (vitesse).
- Intégrer des exercices de renforcement avant et après la course.
Conclusion :
La rééducation des blessures au mollet chez les joueurs de tennis nécessite une approche individualisée, basée sur une compréhension approfondie de la blessure et des besoins spécifiques du patient. En suivant un plan de rééducation structuré, en surveillant attentivement les marqueurs de progression et en évitant les erreurs courantes, les kinésithérapeutes peuvent aider les sportifs à retrouver leur forme physique optimale et à revenir sur le court en toute sécurité.
Joévin: « La rééducation est parfois l’occasion pour les athlètes de se recentrer sur eux-mêmes, sur leurs déficits, sur leurs besoins, et si elle est menée de manière appropriée, ils reviennent souvent dans une condition physique meilleure qu’auparavant. Une blessure, c’est une opportunité ! »
Comme vous l’aurez compris, cet article ne couvre pas tous les aspects de notre pratique clinique ni les problématiques les plus couramment rencontrées dans cette pathologie : spécificités, charges, facteurs de risque, pronostics, etc. Abonnez-vous à notre newsletter pour ne pas manquer nos prochains numéros et devenir incollable sur les blessures aux mollets ! À très bientôt, chers Tohatiens !
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